Te voilà à Svinndal, un bonbon en guise de vibromasseur, on t’avait dit d’éviter la forêt. L’essentiel pour toi, ça avait été de sortir de la cave qui avait fini par devenir ta prison. Tu avais regardé l’horloge, tout en prenant conscience que si tu connaissais l’heure, tu ignorais le jour, le mois puis l’année. L’essentiel pour nous, ça avait été que nous avions réussi à te faire parvenir le cd de Nirvana avec un message codé dedans. J’avais tiré les rideaux de ma caravane, renoncé à m’allonger sur le lit pour me saisir d’une brique de jus de pomme. Ça m’aidait à ne pas prendre la scie circulaire pour découper en morceaux ce porc qui t’avait enlevé à moi et notre futon d’amour.
Te voilà à Svinndal, ne bouge pas, attends-moi, je vais d’abord passer à la Banque Postale récupérer mes cigarettes au CBD.
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Je pleure, assise sur une charrette, les mains entre les cuisses. Seule au milieu des champs. Derrière moi, un berceau avec notre enfant. Sur une branche, un oiseau dont le chant me nourrit. Je devrais rentrer au bistrot, mais je suis trop désespérée pour pouvoir l’envisager. Des canards se mettent à battre des ailes, sur le lac à quelques mètres. Ils sont deux, gais. Tout simplement, gais.
Je pleure, parce que j’ai peur que les effets du passé me reviennent à la figure comme projetés par un élastique. Le passé en la forme bombée d’une madeleine, malgré la tension que mon corps tente de libérer par les larmes. C’était d’abord une maison, et pour moi, c’était mon château. Mon garde-fou.
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Faites ramollir les feuilles de thé que l’eau soit noire, noire comme la boue.
Faites en sorte que l’eau soit bouillante ou presque, avec des petites bulles à la surface.
Faites que la peau apprécie ce mélange, la peau de notre hôte qui va bientôt entrer dans la pièce.
Il aura attendu que le frémissement de l’eau apaise. Il sait attendre le moment propice.
Mes soeurs, faites qu’il soit bien comme il ne l’a jamais été, car nous devons l’honorer. Plus exactement, il doit se sentir honoré.
Mes soeurs, je vous en prie, faites qu’il respire le parfum de notre respect le plus profond. J’éprouve l’ardent désir de le voir se dévêtir dans la pénombre et pénétrer le bain imbibé du thé que nous y avons plongé.
Mes soeurs, faites tout pour que mon désir soit exaucé que je puisse découvrir son sourire, ce sourire que je n’ai jamais pu oublier, de cette première fois où je l’ai vu.
Mes soeurs, vous savez tout ce que j’ai fait pour le revoir à nouveau, lui, son sourire, et même son corps entièrement dénudé.
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Je n’ai pas fini de pleurer et ça, ils ne le comprennent pas. Aujourd’hui eux comptent les larmes comme certains comptent leurs balles. Compter, il ne leur reste plus que ça. Je n’ai jamais été bonne à leur jeu. Ma balance interne a toujours fonctionné autrement. Et c’est sans doute pour cette raison que je pleure sans espérer pouvoir m’arrêter. Car comment serait-il possible que je puisse quitter ces pensées, cette sensation que ces sanglots provoquent ? Et ceux qui s’en étonnent, ceux qui ignorent le chagrin, ceux que la poésie ne fait pas chavirer, je les vois marcher tel des sentinelles au-dessus des remparts et je leur dis : « Vous n’avez pas la possibilité d’imaginer le monde si un chef de goulag avait eu des larmes coulant sur ses joues. »
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Lulu est accroché sur les rails. Je sais tu vas me dire que c’est impossible. Et je te répondrai : « Ce n’est pas que c’est impossible, c’est que c’est vrai. » Depuis toujours, tu me dis souvent que c’est impossible quand je te raconte une vérité.
Alors je recommence, si je t’appelle pour te dire que Lulu est accroché aux rails, c’est pas pour déserter, c’est pour agir Ducon.
Ne m’oblige pas à passer par l’agressivité ou la menace. Je t’en prie, mon amour, Lulu est…
Tu sais.
Les rails derrière la maison de ma grand-mère, tu vois. Tu peux faire quelque chose s’il te plaît ?
Avant que le train le déchiquète. Ah non, s’il te plaît, mon amour, en plus là je n’ai pas le temps de t’appeler mon amour, ne me demande pas comment nous en sommes arrivés là, ce qu’il a été encore faire dans les bordels ou quoi, ou qui il a été truander, ne me demande pas, juste bouge ton gros cul, mon amour. C’est le jour où tu vas sortir ta Ferrai car on doit y aller vite.
S’il te plaît, mon amour.