Dans sa vieille enfance qu’elle rejoignait parfois, Alice aimait revenir à ce jeu triste. Elle invitait Igor, car tant qu’à jouer, autant être plusieurs, et deux, c’est bien pour être tristes. Ils s’enfermaient dans un cercle carré tout en se maintenant dans un élan ralenti pour atteindre une infinité minuscule. Alice était fière car Igor avait assez vite compris ces règles qu’elle avait mises au point avec sa peluche poulet. Depuis que des milliers de gens défilaient pour Adama Traoré, elle cachait sa mascotte. Igor maîtrisa vite les notions de vide plein et d’air solide. Ce qui permit aux deux enfants de progresser rapidement. Les parents n’arrivaient pas à concevoir ce que leurs enfants trafiquaient dans leur inatteignable espace, cependant ça les arrangeait car, du coup, ils pouvaient aller manifester le samedi après-midi dans ce roulement inerte que la vie toute récemment sociale imposait. Seuls Alice et Igor prenaient conscience de l’extension régressive du monde et savaient qu’en jouant de cette façon qu’ils avaient inventée, ils sauveraient leur peau.